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Quand le conjoint survivant est privé de son droit d’habitation par la réouverture d’une procédure de liquidation

Civil - Personnes et famille/patrimoine
12/02/2019
Le débiteur décédé et dessaisi des biens affectés à l’exploitation au jour de l’ouverture de sa succession, son épouse est, dès lors, corrélativement privée de son droit d’habitation sur le logement compris dans le domaine rural.
Un agriculteur a été placé en liquidation judiciaire en 1993 puis a obtenu une suspension de la procédure en 1997, au bénéfice de l’article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1993. Il est décédé en 2007 laissant à sa succession son épouse et son fils.

Le Conseil constitutionnel ayant abrogé le dispositif par une décision n° 2011-213 du 27 janvier 2012, la procédure collective a été réouverte. Le liquidateur a procédé à la vente du domaine rural au bénéfice par adjudication de la Safer d’Auvergne. Cette dernière a revendu le domaine et les acquéreurs sollicitent l’expulsion de l’épouse du défunt agriculteur. La défenderesse fait dès lors valoir son droit viager d’habitation sur le logement occupé.
La problématique soulevée était donc celle de l’étendue de la rétroactivité de l’abrogation de l’article 100 de la loi du 30 décembre 1993. Soit, la rétroactivité ne revient pas sur des droits acquis par vocation successorale dès lors qu’au jour de la liquidation et du partage de la succession, le bien était présent.
Soit, la rétroactivité est totale, le domaine échappant alors à la succession, dans la mesure où l’exploitant placé en procédure de liquidation est dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens.

Les juges du fond ont tranché en faveur de la première branche de l’option, décision prise sous l’étendard du principe de non-rétroactivité. La Haute juridiction censure, toutefois, la décision d’appel et juge que l’ordonnance de reprise de la procédure produit rétroactivement effet « pour tous les actifs qui faisaient partie du patrimoine du débiteur initialement soumis à la procédure de liquidation judiciaire et qui n’avaient pas été réalisés à la date de la suspension, dont le logement occupé de (l’épouse), de sorte que (le de cujus) en était dessaisi à la date de son décès ».
Source : Actualités du droit