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Vente d’immeuble : quid du notaire qui ne purge pas l’hypothèque garantissant le prêt immobilier ?

Civil - Responsabilité, Immobilier, Contrat
20/09/2019
Comment la négligence de la banque à faire valoir ses droits au moment de la résolution du prêt a permis au notaire fautif d'éviter certains déboires...
Par acte authentique reçu le 21 août 1998, une SCI acquiert quatre lots dans un immeuble en l’état futur d’achèvement. Elle finance son acquisition au moyen d’un prêt immobilier, lui-même authentifié par acte notarié en date du 21 août 1998. Ce prêt est garanti par l’inscription d’un privilège de prêteur de deniers et d’une hypothèque conventionnelle de premier rang sur les droits et biens immobiliers financés. En raison d’un défaut de remboursement du prêt, la banque prononce la déchéance du terme le 26 novembre 2001. Un jugement du 7 décembre 2004 prononce la résolution de la vente, fixe la créance de restitution du prix de l’emprunteur à l’encontre de la SCI, représentée par son liquidateur judiciaire. Il dit la SCP de notaires tenue, in solidum avec la SCI, de régler ce montant. Une ordonnance du juge-commissaire du 18 juin 2007 fixe les conditions de la vente, imposant au notaire, à défaut de mainlevée amiable des sûretés, de procéder aux formalités de purge. Les lots sont ensuite vendus le 23 octobre 2009 par la SCI à la commune. Cette vente n’est pas portée à la connaissance du créancier et celui-ci, le 1er juillet 2010, renouvelle ses inscriptions. Après une nouvelle vente des lots immobiliers le 7 août 2013, la banque, le 1er août 2014, donne mainlevée de ses inscriptions à l’encontre de l’emprunteur, reconnaissant que son action contre lui est prescrite. Elle assigne le notaire en responsabilité pour avoir reçu l’acte de vente du 23 octobre 2009 et s’être départi du prix sans avoir accompli les formalités de purge des inscriptions, au mépris de l’ordonnance du juge-commissaire.

La cour d’appel constate qu’à la suite de la résolution de la vente consentie par la SCI à l’emprunteur, le prêt souscrit pour les besoins de cette vente n’a pas été remboursé. Elle relève ensuite que le notaire chargé de la vente de l’immeuble par la SCI à la commune avait établi un procès-verbal de difficultés constatant que l’état hypothécaire relatif à l’immeuble vendu révélait l’existence des inscriptions de privilège de prêteur de deniers et d’hypothèque conventionnelle de premier rang au profit du créancier. Elle retient que le notaire a commis une faute en ne procédant pas à la purge de l’hypothèque, privant ainsi la banque du montant qu’elle devait percevoir à l’occasion du paiement du prix de vente, supérieur au montant de la créance garantie. La cour condamne le notaire à payer à la banque la somme de 242 786,75 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter de l’arrêt.

La Cour de cassation rappelle que « l’obligation de restituer, inhérente à un contrat de prêt annulé, demeurant tant que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l’hypothèque en considération de laquelle ce prêt a été consenti subsiste jusqu’à l’extinction de cette obligation ». Le notaire a commis une faute en omettant d’accomplir les formalités de purge. Cependant, au visa de l’article 1382 du Code civil (devenu art. 1240), la Haute juridiction reproche à la cour d’appel d’avoir retenu cette faute sans avoir recherché si la négligence de la banque à faire valoir ses droits dès la résolution du contrat de prêt en 2004 n’était pas de nature à exonérer, totalement ou partiellement, le notaire de sa responsabilité. Elle casse et annule l’arrêt, en toutes ses dispositions.
Source : Actualités du droit