Retour aux articles

Covid-19 et secteur européen des assurances : Christine Lagarde précipite la reforme de Solvabilité II sur le fond du risque de liquidité pesant sur le secteur

Affaires - Assurance
18/06/2020
Afin d’anticiper un éventuel risque de liquidité dans le secteur des assurances européen, des mesures de surveillance marcroprudentielle doivent être renforcées au sein du dispositif Solvabilité II déjà en cours de révision.
Un risque de liquidité en vue

Créé dans le sillage de la crise économique de 2009, le Système européen de supervision financière (SESF) est une architecture institutionnelle de la supervision financière en Europe qui se situe à deux niveaux. Le niveau « microprudentiel » est partagé entre trois Autorités européennes de surveillance (AES), dont l’AEAPP, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, le « gardien » du secteur des assurances. Quant au niveau « macroprudentielle », il est occupé par le Conseil européen du risque systémique (CERS) présidé actuellement par Christine Lagarde.

Dans une lettre publique du 8 juin 2020, Mme Lagarde a adressé ses préoccupations concernant le secteur assurantiel européen à Gabriel Bernardino, son homologue à l’AEAPP. Elle y exprime son inquiétude quant à la situation financière des assureurs européens, notamment le risque de liquidité auquel ils sont exposés. En cause, l’impact économique de l’épidémie sur le secteur. Pour mémoire, le risque de liquidité représente pour les assureurs l’incapacité de faire face aux réclamations par manque d’actifs.

En effet, la crise sanitaire a provoqué une chute drastique des prix des actifs ce qui conduit à une « détérioration significative » de la liquidité des marchés financiers. Certes, reconnait l’ancienne ministre de l’Économie, si les assureurs sont moins concernés par ce risque que les établissements bancaires, ils y sont néanmoins exposés pour deux raisons. Premièrement, par la nature particulière de la crise qui se traduit par la hausse des demandes indemnisation (assurance annulation, perte d’exploitation…), les appels de marge ou encore la diminution des revenus d’investissement. Deuxièmement, par la possibilité pour les investisseurs de retirer rapidement leurs fonds détenus dans les unités de compte des contrats assurance-vie multisupport.

Il en résulte que le risque de liquidité, bien qu’hypothétique, existe. Tout au plus, en l’absence des données relatives à son ampleur et ses conséquences sur l’ensemble du système financier européen, les AES, dont l’AEAPP, peuvent ne pas être en mesure de : a) appréhender pleinement les futurs problèmes liés à la liquidité et b) en évaluer les conséquences potentielles sur la stabilité financière. 

Ainsi, le CERS estime que la priorité à court terme de l’AEAPP doit être la surveillance du risque de liquidité dans le secteur assurantiel. Objectif étant d’améliorer « l’état de préparation de l’Europe afin de répondre aux futurs chocs potentiels qui peuvent aboutir à la détérioration des conditions de la stabilité financière ».

Renforcer le dispositif de surveillance macroprudentielle de Solvabilité II

Pour ce faire, rappelle l’ex-présidente du FMI, la révision déjà engagée du dispositif Solvabilité II doit intégrer ces préoccupations pour mieux traiter le risque de liquidité notamment pour les assureurs ayant un « profil vulnérable ». Pour donner un exemple des mesures concrètes, la missive se réfère au rapport du CESF datant de février 2020 présentant les mesures susceptibles de renforcer la surveillance macroprudentielle au sein du dispositif Solvabilité II.

La réaction de l’AEAPP ne s’est pas faite attendre : le superviseur européen des assurances a publié le jour suivant sa réponse - que l’on pourrait qualifier de « défensive ». Elle avalise la vision du CERS tout en précisant ensuite que « jusqu’ici il n’y aucune preuve tangible de risque de liquidité dans le secteur assuranciel européen ». De surcroît, rappelle l’AEAPP, elle a déjà eu l’occasion de faire des proposition concrètes afin de renforcer le régime de surveillance macroprudentielle en incluant « des outils afin d’évaluer et de surveiller le risque de liquidité ».

Il en résulte de ces « échanges » que le calendrier de la révision des dispositions de la Solvabilité II peut être accéléré en raison de la crise sanitaire. Si le risque de la liquidité du secteur assuranciel n’est qu’une probabilité à l’heure actuelle, la sévérité de la crise économique annoncée appelle à des mesures préventives, déjà en cours d’élaboration. 
 
Source : Actualités du droit