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Vinification et produits défectueux : nouvelle application du principe de responsabilité

Civil - Responsabilité
16/12/2020
Les produits chimiques utilisés dans le cadre du traitement d’un vin entraînant son altération sont jugés défectueux, même si la consommation de ce vin n’en devient pas dangereuse.
Une entreprise viticole confie le traitement et notamment l'électrodialyse de l'ensemble de ses vins d’un millésime à un sous-traitant qui fait lui-même appel, pour la préparation de l'appareil d'électrodialyse, à une société ayant utilisé à cet effet de l'acide nitrique et de la lessive de soude, acquis par ce sous-traitant. À l’issue des opérations, une altération du goût des vins est décelée. L’entreprise viticole et son sous-traitant assignent en responsabilité et indemnisation le producteur et le vendeur des produits litigieux, ainsi que leurs assureurs respectifs. Leurs demandes sont rejetées. Le vendeur est mis hors de cause.

La cour d’appel a jugé que la preuve de la défectuosité des produits n'était pas rapportée et que les produits litigieux ne sauraient être considérés comme défectueux dès lors qu'aucun danger anormal et excessif caractérisant un défaut de sécurité des produits n'est établi. Selon les juges du fond, la pollution des vins traités n'est pas de nature à nuire à la santé des consommateurs ni à leur intégrité, le vin restant inoffensif s'il est ingéré même si son goût s'avère désagréable.
 
Sur pourvoi du sous-traitant et pourvoi incident de l’entreprise viticole, l’arrêt est cassé.
 
Sur la preuve de la défectuosité des produits chimiques
 
Le sous-traitant invoque dans son moyen l’argument selon lequel un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, c'est-à-dire lorsqu'il risque de porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique des individus, ou bien de provoquer la destruction ou la dégradation d'un bien.

La Cour de cassation juge que la cour d’appel a, « alors qu’elle avait constaté l’altération des vins consécutive à leur pollution par les produits dont la défectuosité était invoquée », violé l’article 1386-2, devenu 1245-1 du Code civil, et l’article 1er du décret n° 2005-113 du 11 février 2005.
 
Sur la défectuosité des produits chimiques
 
L’entreprise viticole fait grief à l’arrêt d’écarter le caractère défectueux des produits chimiques utilisés en se bornant à relever que le vin traité avec les produits chimiques litigieux, s'il avait un goût de bouchon, était inoffensif pour les consommateurs, sans examiner si les produits litigieux offraient, pour le vin traité avec les machines nettoyées avec ces produits, la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre.
 
Au vu de l’article 1386-4, alinéas 1 et 2, devenu 1245-3, alinéas 1 et 2, du Code civil, la Cour régulatrice rappelle qu’un « produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et, dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment, de la présentation du produit et de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu ».
 
L'arrêt retient que les produits litigieux ne sauraient être considérés comme défectueux dès lors qu'aucun danger anormal et excessif caractérisant un défaut de sécurité des produits n'est établi.
 
La cour d’appel prive sa décision de base légale. Elle aurait dû « examiner si, au regard des circonstances, et notamment de leur présentation et de l'usage qui pouvait en être raisonnablement attendu, les produits dont la défectuosité était invoquée présentaient la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre ».
Source : Actualités du droit